vendredi, avril 29, 2011

retour (eenfin) sur "Traces"... l'installation d'Amos Gitaï au Palais de Tokyo

Le dernier week-end de cette expo-évènement, je me suis enfin décidée à me rendre au Palais de Tokyo. Le but: voir l'installation de ce grand réalisateur. Première surprise, il n'y avait pas grand monde. Première impression, j'allais entrer dans un lieu où les sons avaient leur importance...Cacophonie des bruits, des voix, des musiques....D'abord, lire et comprendre qu'Amos Gitaï tenait ici à rendre hommage à son père,architecte, victime du nazisme, contraint à l'exil, thème si cher au réalisateur ou du moins thème obsédant, puisqu'il s'agit d'une blessure. Des reproductions de documents officiels, écrits à la machine à écrire,témoignages des péripéties qu'il dut affronter et des décisions répressives d'un système politique bientôt maître dans l'art de faire disparaître malades, homosexuels, opposants politiques, tsiganes et bien sûr juifs. Et puis des plans, de certains bâtiments construits en Israël, dont il fut l'architecte. L'importance des lieux dit communs pour recréer du lien, permettre réunions politiques, débats d'idées, fêtes, l'échange, le partage. Face à cela, un magnifique texte de son fils, en guise de note d'intention, de piste de lecture et de critiques de la politique actuelle d'Israël qui a oublié le partage, l'idée originelle de s'implanter en plein désert, de créer des lieux de vies... au lieu de ça une architecture brutale (terme employé par les anglais), l'occupation, l'endoctrinement et l'obligation, la contrainte sous toutes ses formes...
Seconde surprise, en descendant les quelques marches, qui nous mènent à l'expo proprement dite: une salle en chantier... Réalité des lieux. Des inscriptions sur les murs rendent compte d'une vie passée: cinémathèque, le cimetière montparnasse, quelques chiffres, traces peut-être d'une ancienne porte, trous dans le béton faisant apparaître la lumière. Les murs bruts servent d'écrans aux extraits de films et à la création, pour l'occasion de Gitaï, intitulée "Lullaby to my father" (verif).
La salle renforce l'idée d'inachèvement, impression qu'exprime le réalisateur face à la vie de son père, puisque les évènements politiques de l'Allemagne l'empêchèrent de réaliser ses rêves. Plus simplement, elle rappelle son métier. Premier extrait: la séquence d'ouverture de "Free Zone"... Rares sont les films qui m'ont fait pleurer si vite! Nathalie Portman en larme à l'arrière de cette voiture, dehors la pluie, et le paysage qui défile, mais sans que nous puissions discerner quoique ce soit. Et la chanson (dont j'ai partagé les paroles lors d'une publication précédente)...Et la bêtise humaine et la folie humaine, sa violence....
Second extrait: film tourné en Italie, lors d'un meeting politique de la fille du Duce.... Juste pour nous rappeler une triste réalité, le fascisme, loin d'être terrassé, renaît dans tous les pays sous des formes nouvelles ou une continuité, comme faisant partie de l'ordre des choses....Et la bêtise humaine et la folie humaine, sa violence, sa liesse face au monstre....
Les trois extraits suivants font partie de la reconstitution fictive du procès de son père...Salle d'un tribunal, un homme en uniforme nazi passe et repasse derrière un juge de pacotille. Une greffe tape à la machine. Un petit tabouret vide au milieu de la pièce symbolise l'accusé....absent et qui par conséquent ne peut répondre des actes qu'on lui reproche, malgré son avocat qui tente tant bien que mal de le défendre...Tant bien que mal puisque les dés sont pipés, puisque tout est joué d'avance...Et la bêtise humaine et la folie humaine, sa violence, sa justice aveugle et expéditive... Face à cet écran, un autre rend compte de la décision du juge...A côté en gros plan, les mains de la greffe, qui tape, inlassablement la condamnation de l'architecte et de ses camarades.Bruit lancinant, instrument de la machine à écraser, témoin du goût pour l'ordre de l'Allemagne d'alors. Tout est minutieusement consigné... une aubaine pour les historiens qui purent retrouver de nombreux documents sur cette triste période...Et la bêtise humaine et la folie humaine, sa violence et ses agents compétents et dévoués... Entre les deux, un autre extrait, visite de l'avocat à son client... En quelque sorte...Dans la cour de la prison, il tente de communiquer avec lui. Il lui fait part de son départ en vacances (on imagine aisément la réaction d'un homme emprisonné et privé de ses droits, surtout sous un tel régime)Il tente de le rassurer, il revient, il ne le laissera pas tomber, il le sortira de là (ce qu'il fit en effet, puisqu'il obtient son départ en exil, en payant avant ça sa caution...Tout s'achète, même la vie humaine. Surtout la vie humaine?
Et la bêtise humaine et la folie humaine, sa violence et les hommes qui tentent de résister, chacun à leur manière... on parle fort dans ce film... Sans doute que dans un système violent, il est normal d'hausser plus rapidement le ton, d'hurler presque comme le fait si bien le petit juge...Mais un autre bruit, nous interpelle, comme un bruit d'un forgeron dans sa forge qui frapperait un métal, suivi du "han" caractéristique de l'homme à l'ouvrage, humble dans sa condition...Un ouvrier sans doute, un marteau sur du fer... J'ai cherché en vain à quoi pouvait correspondre ce bruit... Aucun texte, aucun extrait ne s'y rapporte... Symbole de la résistance d'une partie de la population, d'une certaine classe politique? Simple hypothèse... Marteau et faucille? Je le répète simple hypothèse de ma part... effort de construction face à l'hécatombe qui s'annonce....Et la bêtise humaine et la folie humaine et sa violence, son envie de destruction et face à ça une envie plus forte celle de reconstruction, de donner vie quand ce n'est pas donner la vie...
Troisième extrait d'un film plus ancien, "Berlin, Jérusalem",sorti en 1989, là aussi il s'agit de la scène d'ouverture, sur une chorégraphie de Pina Bausch (vérif). Des gens du peuple chantent un monde nouveau, l'un deux brandit un drapeau rouge. L'heure est à la révolte, à la révolution... effervescence du mouvement ouvrier et de ceux d'extrêmes gauches et autres libertaires... détruire pour mieux reconstruire, en y incluant les hommes, la communauté, l'intérêt général, et plus de justice. Très vite, tels des oiseaux de mauvaises augures qui envahissent la scène, des femmes de la haute, hautement fardées, vêtues de noires, se mettent à danser, corrompent presque les idées ouvrières. Un autre chant plus mélancolique celui là s'élève, accompagné d'un accordéoniste... les idéaux se sont éteints cette fois.
Derniers extraits, une violoncelliste joue face à l'un des bâtiments de son père. Tristesse tel que nous avions commencé en somme... mais malgré tout l'espoir... gràace à des hommes emplis d'humanisme tel Amos Gitaï

http://www.palaisdetokyo.com/fo3/low/programme/index.php?page=nav.inc.php&id_eve=3225

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