vendredi, février 24, 2012

Indignados Bande Annonce (2012)




Furieuse envie de renouer avec les salles obscures via ce film.
Hâte de découvrir le nouvel opus de Tony Gatlif, toujours aussi engagé.
Une belle façon de couvrir à la fois le mouvement des Indignés espagnols (comme la presse les appelle) et de suivre cette jeune femme sans-papier, façon aussi de dénoncer ces politiques qui leur font la chasse.
J'aime également sa façon de filmer ses acteurs (parfois, même souvent non professionnels). Il les aime profondément, comme il aime profondément ses personnages et ses semblables en général.
Heureusement que le mois de mars arrive bientôt!

jeudi, février 09, 2012

autour d'une pièce....











Constat décevant: je suis passée durant des années devant ce théâtre sans le voir, malgré les flèches de direction.
Dans cette petite rue, un peu en retrait de la vie grouillante, de la circulation surtout, il ne se remarque qu'à peine. Fort heureusement, les néons lumineux attirent l'œil et m'ont stoppée dans ma course effrénée. Tel le lapin blanc d'Alice, j'avais peur d'être en retard, impression fondée du fait des pannes de signalisations dans le métro (la seconde du jour pour moi).
Dans le théâtre de Lars Norén et de Krystian Lupa, pas de chat énigmatique, de chapelier fou ou de reine coupeuse de têtes. Aucun monde parallèle (quoique) encore moins de monde imaginaire. Il s'agit d'un monde bien réel, trop réel peut-être pour certains spectateurs. Un monde violent, cruel, où le temps semble s'être arrêté; alors qu'autour, il passe rapidement, trop rapidement même.
Parking en sous-sol désaffecté, hall d'une gare fermée, squat dans une ancienne usine ou une maison qui tombe en ruine? Rien ne nous permet de le dire, une suggestion rien d'autre. Par contre, il est clair pour moi que nous débarquons dans une ville assez grande, pas une petite ville de province ou de banlieue chic (ils se seraient sans doute déjà fait expulsés). Cela ne nous change pas trop de Paris, finalement. Impossible également d'être dans une zone industriel, l'un des personnages mentionne un café pas loin et certaines de ces jeunes femmes font le trottoir. De plus, pour trouver de quoi se nourrir et faire de la récupération en tout genre (vêtements, vieux meubles), une ville me semble indispensable.
Dans cet endroit, des inscriptions sur les murs ont été graffées, les occupants s'expriment. On y parle d'anarchie, d'utopie, d'un monde libre et le célèbre NTM (du moins pour un public français) prend une toute autre signification, ici « nettoie ta mobylette ». les habitants possèdent donc encore le sens de l'humour malgré leur sombre univers.
Qui sont ces habitants? Une petite quinzaine vivent ici. Nous n'avons aucune indication sur leur âge. Par contre, le fait qu'ils soient interprétés par des jeunes acteurs, nous sommes amenés à penser qu'ils ont entre 20 et 27 ans. Or, la (ou le) SDF, ancien cadre dirigeant a logiquement passé la trentaine, de même, le fils d'ouvrier, également père d'un petit garçon doit être lui aussi très proche de la trentaine.
Étrangement, je n'ai retenu aucun prénom. Il faut préciser aussi que chaque acteur incarne selon moi une figure. Ainsi, nous découvrons dans le désordre: trois couples de junkie (le premier selon moi incarnant une redite du couple shakespearien Roméo et Juliette), le fils d'ouvrier ou « l'humaniste » (sans doute fut-il très politisé), l'obsédé exhibitionniste, « Jésus », la poète ou la petite fille en rouge, la (ou le) SDF ancien cadre dirigeant, un timide fétichiste des pieds ou plutôt des chaussures pour femme, un séropositif homosexuel, trois prostituées mères de famille (si l'on compte celles du second et troisième couple), un polonais vendeur à la sauvette, une réalisatrice improvisée de film X (qui revient ensuite au sein du troisième couple). Certains sont plus inconsistants. Ils ne bénéficient pas du même temps ni sur scène ni lors des monologues sur écrans.
Un petit mot sur ces écrans. Au début, les deux écrans retransmettent chacun un monologue d'un des personnages (par exemple, le fils d'ouvrier en même temps que la fille en rouge). Cela m'a un peu gênée. J'aurais souhaité pouvoir suivre l'un et l'autre des personnages, apprendre à les connaître un peu plus, les apprécier un peu plus. Je sais que chacun avait des choses intéressantes à dire, des choses qui permettaient de les déchiffrer. Certes, cela aurait sans doute été trop rapide dans l'évolution de la pièce. Mais ces paroles incomprises car inaudibles sont autant de frustrations, surtout que j'adore écouter. Et ce d'autant plus que ces paroles sont des moments volés et offerts dans le même temps, ils nous livrent leur pensée et donc quelque part aussi ce qu'ils sont.
Tous ont reçu de terribles blessures qui ne cicatriseront certainement jamais. Certains les traînent depuis l'enfance. Ils sont des êtres en souffrance, je les appelle les anges blessés. Ils sont dans une incapacité totale de tourner la page, d'avancer, de continuer à faire comme si de rien. La souffrance est trop grande. Ils sont tout autour de nous, parfois sont difficilement décelables, font parfois partie de notre famille. A la fin de la représentation, lorsque la musique retentit et qu'ils s'approchent de nous, s'assoient en face de nous, je dois avouer que j'ai eu envie de me lever et les prendre dans mes bras un par un. Ce pour deux raisons: réconforter les êtres blessés d'abord et sans doute remercier ces jeunes acteurs pour leur travail. J'ai vu et j'ai cru en l'existence de ces figures. J'ai également repensé à des personnes croisées durant ma vie voire que je connais assez bien.
Malgré tout, je ne vais ici ajouter quelques lignes sur ceux qui m'ont le plus émue.

« Roméo et Juliette »: Je les compare aux héros de Shakespeare parce qu'ils sont jeunes, beaux, fous d'amour (surtout elle) mais que leur amour est destructeur (surtout pour elle). Les deux se sont enfuis loin de leurs parents , ce que voulais faire les précédents avant leur mort : lui parce qu'il se faisait battre par son père, elle parce qu'à douze ans elle ne se voyait déjà pas vivre sans lui.
La destruction vient évidemment de l'héroïne qu'ils consomment tout deux. Pour elle, il faut ajouter le fait qu'elle se prostitue pour se procurer de la drogue et qu'elle reçoit aussi les coups de son amant. En cela, il se retrouve simplement et tragiquement dans une situation de répétition. Dans toutes les histoires de famille, cela se résume à cela: non-dits, manque de communication, répétitions d'actes ou de dires qui abîment et ce bien malgré la volonté de la personne en cause.
En somme, il l'a entraînée dans sa chute. Il y a une autre répétition: il se fait toujours battre, cette fois par l'exhibitionniste. Il est toujours un petit garçon, la seule chose qui change, c'est qu'il n'a pas l'air de sentir toujours les coups, du fait de son état. Il est toujours une victime; ainsi elle seule, évoque la cure, se soigner. Elle voit également la mort comme une délivrance. En somme, malgré sa chute, c'est elle qui le porte (lui et leur amour), un peu comme une mère. J'imagine que peu aurait survécu à toutes les épreuves qu'elle a du traverser.
Leur histoire, « plus forte que tout » (c'est elle qui le dit) m'a également remémoré le film « Jeux d'enfants » avec Guillaume Canet et Marion Cotillard. Rester ensemble coûte que coûte, sceller ce pacte quand bien même les choses vont mal.

La petite fille en rouge: De par ses vêtements, un rien rétro, je lui imagine aisément une autre vie durant les années 40. De même, je la vois telle une poupée de porcelaine, une enfant sage comme une image, si fragile dans son manteau et béret rouge. Évidemment, on ne peut que la remarquer, même si parfois elle semble frôler les murs, notamment lorsqu'un homme s'approche de trop près.
Son manteau et le fait qu'elle fait de nombreuses allusions aux camps de concentration, notamment lorsqu'elle parle de l'hôpital psychiatrique, pour elle les deux sont similaires, j'ai également repensé à la petite fille en rouge du film de Spielberg, « La liste de Schindler ». Après tout, peut-être qu'elle aurait aussi sombrer dans la folie, si elle avait pu échapper à la mort dans les camps.
La jeune poète qui s'était réfugié dans l'écriture mais aussi la folie, cache un lourd secret. On le comprend aisément lorsqu'elle parle de sa rencontre idéale, une rencontre où personne ne se touche ou qu'elle dit ne vouloir aucun homme ni même son père, qu'elle les déteste. Je pense qu'elle a été victime d'inceste, sans doute pour cela qu'il se débarrasse d'elle en l'internant, de même qu'aujourd'hui il souhaiterait l'aider. Quand on comprend ce qu'elle a subit, il est plus facile de donner un sens à sa question sur l'aide justement. Quelle aide et est-ce-que cette aide va l'aider? Comment cela pourrait-il être possible, surtout que c'est son agresseur, son bourreau qui lui propose. Bien sûr, elle ne prononce jamais ce mot terrible, tabou. Elle est toute en nuance dans ses mots, mais refuse catégoriquement toute relation physique avec le sexe opposé. L'unique fois où elle touche ou plutôt effleure quelqu'un de la main, c'est quand elle s'avance vers un garçon à terre, en train de dormir après une trop longue soirée. Et ce pour une raison simple, il ne peut pas lui faire de mal vu son état. J'imagine qu'elle agirait de même s'il s'était agi d'un animal blessé.
Elle porte un masque qui se craquèle à plusieurs reprises: mettre ou pas du rouge à lèvre, sa main qui effleure à plusieurs reprises son visage, comme si elle craignait que la vérité saute au visage justement des autres. Elle tient ainsi à se protéger. Si elle en a finit avec les poèmes, c'est sans doute qu'elle en disait trop, qu'elle risquait en un vers de révéler l'inavouable. Pourtant, elle sait jouer avec son corps, à moins que ce ne soit des moments où elle cède à la folie. En effet, elle apporte un poster qu'elle accroche sur l'un des murs, la représentant nue, la photo a d'ailleurs été prise devant le même mur. Elle superpose donc une image d'elle-même, un instant passé au présent plus incertain. Je suppose que cette photo fut prise au même moment que cette fête, où tous sont réunis, où tous ont fini par se dénuder. Elle également, jusqu'au moment où elle reprend le contrôle. Dans toute la pièce, pour elle, il s'agit de ça, se contrôler à tout prix, ne pas montrer sa différence, être la plus normale possible. Il est clair qu'elle ne souhaite pas retournée dans cet asile, dont elle s'est échappée. Or, plus elle s'emprisonne elle-même dans ce tout contrôlable, plus sa folie est présente, comme un cercle vicieux. Elle est de loin la plus attachante de ces personnages. On ne peut que vouloir aider cette femme si enfant, si perdue dans ce monde violent d'adultes. Elle m'a bien sûr renvoyé à une autre pièce de théâtre, « Le Musée des fous ». Elle m'évoque deux des personnages: une jeune femme très élégante qui assure malgré son hystérie, être parfaitement normale et ce jeune homme schizophrène qui s'enfuit avant l'ouverture du musée, histoire de retrouver sa liberté.
Le petit Chaperon rouge a rencontré le grand méchant loup, pas le choix, elle le connaissait très bien.

Le fils d'ouvrier: Il porte un discours amer et rageur sur la société actuelle, sur les hommes politiques au pouvoir. Pour lui, ils (les politiques) ont pris leur vie. Dans une vidéo adressée à son fils , destinée à l'anniversaire de ses dix huit ans, il se montre sans fioritures. Oui, il est rongé par l'alcool. Oui, sa condition est pour lui en quelque sorte un complexe, d'où son envie de revanche, en devenant « le plus cultivé des fils d'ouvrier », selon ses propres mots. Pour lui, on ne sort pas de sa condition, un fils d'ouvrier reste fils d'ouvrier quelque soit son parcours. Dans ce sens, il me fait penser au fils du film « Ressources humaines ». Devenu cadre de l'usine employant son père ouvrier, il se voit obliger de licencier son père ainsi que les collègues de ce dernier, telle une trahison. Il reste toujours un fils d'ouvrier. Je l'imagine aisément étudiant fortement politisé, membre d'une organisation quelconque, association ou syndicat, tenant des tables et prenant la parole lors des Assemblées Générales. Et puis un jour, vient l'usure, plus d'envie, on n'y croit plus. Il est celui qui dit clairement que nous sommes des pions sur un échiquier, métaphore largement utilisé également pour parler des soldats dans les films pacifistes. Je pense notamment à ceux évoquant la guerre du Vietnam comme « Platoon » d'Oliver Stone ou « Full Metal Jacket » de Kubrick. D'une certaine façon, il ne souhaite plus faire partie de cette société. Sa nouvelle condition lui permet d'obtenir une certaine liberté. Par contre, rien ne nous est dit sur le pourquoi de sa déchéance. Est-ce simplement par choix de ne plus faire partie d'un système: ni travailler, ni payer de factures, ni consommer ou du moins ni acheter pour consommer?

« Jésus »: A l'instar du précédent, il s'interroge sur la société actuelle, nous interpelle directement.
Cela reste très succint et peut paraître moralisateur. En quelques secondes, il rappelle l'origine des fortunes de certains grands industriels, tous ont eu de gros contrats juteux grâce aux guerres (notamment la seconde). En quelques secondes, il nous rappelle notre propre collaboration à leur enrichissement. En effet, au lendemain de la guerre, n'aurait-il pas été judicieux que ces entreprises deviennent propriétés de l'État? Mais, son surnom lui vient surtout de son discours sur l'amour et Jésus. De plus son physique rappelle l'iconographie utilisée pour représenter le fils de Dieu. Aidé par la prise de drogue, il s'adresse à ses camarades complètement nu. Rires du public, moquerie ou agressivité des autres personnages. Il va de l'un à l'autre, prêchant la bonne parole, à l'instar d'un Témoin de Jéhovah ou d'un Évangéliste à bord d'une rame de métro.
Sa prestation m'a également fait penser au film « Hair » de Milos Forman où drogue (ici l'héroïne, dans le film le LSD) et discours sur l'amour universel se retrouvent à l'unisson. Finalement, que ce soit les années 70, XXème siècle et les années 10, XXIème siècle, l'être humain semble aspirer toujours à la même chose, sans jamais réellement se donner les moyens d'y parvenir. Il est aussi celui qui va le plus loin dans la provocation, amenant tout à coup l'effroi au sein du squat et de la salle. Pour la raison très logique et scientifique que l'œil soit l'un des organes les plus irrigués, il s'y injecte donc sa dose. C'est cette logique plus que le geste, selon moi, qui transmet ce malaise. Bien sûr, s'ajoute à cela l'absurdité totale, puisqu'en agissant ainsi, il s'aveugle au sens littéral du texte. On est ici loin de l'image d'un Jésus en souffrance, couronne d'épines sur la tête et perles de sang sur le front. Les larmes ensanglantées du personnage viennent ainsi interroger une dernière fois le public. Pourquoi sa dépendance l'a-t-il conduit à cet acte irréparable? Pourquoi aucun des autres personnages n'a-t-il bougé pour l'en empêcher, mimant le même cri faible d'effroi que celui de certains spectateurs? Ils semblent être tous incapables d'agir; mais nous le sommes nous? Pour lui, seul compte arriver de nouveau à un stade de bien-être jusqu'à la nouvelle dose et ainsi de suite; tant pis s'il ne voit plus l'environnement dans lequel il vit. A moins que le but recherché soit également celui-ci. Une autre forme de délivrance, peut-être?

Le ou la SDF: Ce personnage est effectivement incarné par une femme, mais j'ai toujours un doute sur son sexe. S'agit-il d'un homme ou d'une femme? Est ce que la rue lui a retiré toute trace de féminité, d'âge? Il ou elle a eu une famille. Il ou elle a eu un poste haut placé. Il est le dernier des personnages à nous interpeller sur l'état de la société actuelle: hyper-surveillance, manque de liberté, manque d'un but réel dans la vie. C'est la perte de sa fille, la dépression qui lui fait prendre conscience de l'absurdité de cette vie, se résumant pour lui à travail et hausse de salaire. Son histoire de camp retranché pour personne ayant une bonne situation m'a fait également repensé à un film, dont j'ai oublié le nom. Un film où le camp retranché se transforme véritablement en prison pour ses habitants, d'autant plus qu'un meurtre vient de se produire dans le voisinage. Mais, sans parler de ces camps, il suffit d'observer l'accumulation des caméras de surveillance dans les rues, métro ou bus pour en tirer les mêmes conclusions. A cela s'ajoute les contrôles, et bientôt grâce aux nouvelles carte d'identité le fichage de milliers d'individus, n'ayant commis aucune faute (sous couvert d'empêcher l'usurpation d'identités). Il est celui qui a refusé de rester dans les rangs. Il a décidé de ne plus faire partie de ce système. Il a fait le choix de rentrer dans la marginalité, provoquant l'incompréhension de ces anciens collègues de bureau. Fini les heures supplémentaires, les hausses de salaire, la vie vouée au travail sans savoir pourquoi il le fait. Là est le véritable problème: quel est le sens de ce que je fais? Pour quoi et pour qui? Questions que se posent bon nombre d'employés aujourd'hui, certains connaissent la dépression, arrêt de travail à répétition, au pire le suicide. Pour d'autres la démission et la recherche d'un autre travail pour de nouveau, un jour ou l'autre, peut-être se reposer les mêmes questions.

L'homme en fin de vie (le séropositif): il est celui qui m'a le plus mise mal à l'aise. Il m'a beaucoup déstabilisé, notamment durant son monologue. Il y a quelque chose de malsain en lui, quelque chose de violent. Je crois en fait qu'il s'agit d'une carapace, pour ne pas éveiller la pitié du fait de sa maladie. Il est tout de même détestable quand il évoque Dostoïevski pour culpabiliser encore un peu plus la prostituée qui vient de se faire agressée. Puisque chacun est responsable de ses actes et de ce qu'il lui arrive, elle est responsable également d'avoir été frappée par un inconnu. Elle est avant tout une victime. Il est vrai que la notion de victime est assez récente, de même que l'attention qu'on leur porte. Il est vrai aussi qu'à part « Crimes et châtiments », je ne connais pas assez son œuvre.
Le malaise naît également d'un certain plaisir qu'il prend à se salir, se barbouiller de rouge puis de noir le bas du visage pendant qu'il parle. Le rouge figure le sang et le noir le pétrole. Il s'enlaidit. Il met un masque par dessus un autre masque, celui qu'il porte tous les jours. Il se croit laid, sans doute a-t-il été victime du regard des autres.

Les trois mères prostituées: Quelques mots sur elles. L'une a décidé d'élever seule ses enfants, rejoignant les statistiques des familles mono-parentales, des mères qui doivent assumer travail et leur rôle de mère. Or ici, pas du fait de sa profession mais de sa dépendance, ses enfants sont livrés à eux-même. Ils doivent apprendre à se débrouiller eux-même. Je ne tiens pas à la juger, mais il est clair que pour commencer sa vie, avoir confiance en soi et donc en les autres, se construire un avenir, cela risque d'être difficile pour eux. Bien sûr, tout dépend de leur façon de ressentir les choses et de s'adapter. Les deux autres ont préféré confier (à moins que ce ne soit les services de protection de l'enfance) leur enfants à des familles d'accueil. Ils connaissent l'existence de leur mère malade, sont toujours en lien avec elles. Je crois qu'elle a fait un bon choix, si ce lien s'accompagne d'une explication simple: l'état de maman ne lui permet pas de t'élever convenablement et de t'apporter tout ce dont tu as besoin; mais elle est là, elle existe et elle t'aime. Choix aussi de l'avortement à l'adolescence après un viol, comme elle le dit elle-même, quelle vie aurait eu cet enfant si elle l'avait gardé, c'était perdu d'avance.

Ces dernières considérations me permettent de passer à mon second point. La violence qui est partout, dans toute la pièce, physique ou verbale. Une violence qui se vit et qui se raconte aussi, du fait du passé de ces personnages. Une violence qui se perçoit, qui nous prend à la gorge. En fait, c'est cette violence qui nous prend en otage, comme elle a pris en otage les habitants de ce lieu.
Il y a d'abord les cris et les injures, les coups que l'on porte à son camarade d'infortune ou à sa petite amie. Il y a les violences que l'on s'afflige à son propre corps: drogue, injections, prostitution, détestation de soi. Il y a ces rapports à l'autre, à l'amour notamment qui sont complètement faussées, du fait de cette violence. Il ne s'agit que de domination ou de soumission. Prenons par exemple, leur petite entreprise de réaliser un film pornographique. Évidemment, le fait de pouvoir se faire de l'argent y est également pour quelque chose; mais les rapports hommes femmes sont loin d'y être idylliques. Les codes de ces films ont infiltré leur façon de penser le sexe, ces films ont empoisonné quelque part toute la société dans laquelle nous vivons, au point que certains y voit une référence.
La violence est surtout celle qui ne se voit pas sur le plateau, tout autour d'eux la société est hostile à leur existence. Elle commence par l'allusion aux regards de ses ouvriers du bâtiment posés sur la fille en rouge et au malaise qu'elle ressent alors, regards libidineux sans doute qui forcément heurtent sa sensibilité. Par la suite, il est question d'un chirurgien qui fait son tour par là, danger pour les filles qui évitent à tout prix de le rencontrer. Est ce un tueur en série? Un pervers? Le public ne le saura jamais, mais le simple fait d'avoir changé de direction et de lancer cet avertissement, ajouter à cela la profession de cet homme (un savant fou, tel le docteur Moreau?) et une angoisse plane. Cette violence s'infiltre également sur le plateau, deux des prostituées se sont faites agressées. L'une racontera de manière un peu confuse qu'un homme l'a frappé, l'autre arrivera dans le squat avec derrière elle des bruits de verre brisé. Quelqu'un ou plutôt plusieurs hommes (encore une fois) lui ont fait traversé une fenêtre. En écrivant ces lignes, je constate en effet que la violence est surtout exercée sur les femmes par des hommes. Au nombre de femmes encore violées aujourd'hui ou battues par leur conjoint et qui meurent encore sous leurs coups, il est logique de retrouver ici toute la palette de ces agissements. Et nous savons qu'une femme qui vit dans la rue ou dans des conditions difficiles, risque de subir encore un peu plus ces violences. Bien sûr, l'auteur n'a pas été dupes. Il sait que ce n'est pas seulement la misère ou l'alcool ou la drogue qui favorise cela, d'où la création de ce personnage de poète, qu'on imagine ici d'un milieu bourgeois et qui ne connaît que trop bien le visage cruel de celle-ci. Cette violence se traduit également par l'indifférence de cette société pour le sort de ces « marginaux », étiquette qui les range de suite au placard; plus rien à faire pour eux, ils ne peuvent recevoir aucune aide, de toute façon en veulent-ils...Mais pour vouloir de cette aide, pour garder un petit espoir, il faut déjà se sentir exister dans les yeux de quelqu'un, y compris un inconnu. Je ne parle pas ici d'un regard de pitié ou de dégout, cela ils le connaissent aussi. Cette indifférence est cristallisée de manière effrayante lorsque l'ancien(ne) cadre dirigeant(e) déclare: « nous n'existons plus ». Ceci me rappelle une citation de Martin Luther King: « Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants mais l'indifférence des bons ».
Il y a aussi la violence qui a l'air anodine des voisins de la jeune fille en rouge qui ont peur d'elle (trop différente) et qui donc cherchent à la faire partir, un peu comme ces gens qui dénoncent des sans papiers ou plutôt qui lancent de sournoises attaques en parlant sur untel ou unetelle (les rumeurs, les cancans...)
Heureusement, le metteur en scène a su ajouter quelques moments de transition, de soulagement pour le spectateur, ce qui lui permet aussi de nous surprendre. Je pense notamment à ce petit chien, qui ne sait pas ce qu'il fait là mais qui du fait de son apparition apaise un peu la jeune fille ainsi que le public par la même occasion. La scène du tournage ou plutôt de l'essai de tournage très drôle du fait de son insuccès. D'ailleurs, le seul moment où l'exhibitionniste pourrait enfin assouvir son désir, il en est dans l'incapacité: sans doute du fait de la caméra, doublée par l'œil de la réalisatrice qui lui donne ses directives. L'exhibitionniste face à ce voyeurisme qui non seulement accepte mais aussi lui demande de jouer le jeu, perd tout ses moyens. Le dernier moment se passe sur un écran, telle une parenthèse. J'ai d'abord pensé que cela devait être le final de la pièce, puis que les personnages avaient peut être cessé d'exister, pour laisser place aux acteurs. Nous les voyons tous à une fête, dans une pièce qui n'a pas l'air d'être le squat, peut-être sont ils chez quelqu'un. C'est aussi l'épisode le plus « Hair » de la pièce. Ils semblent enfin tous s'entendre parfaitement, profiter de leur soirée, de l'instant présent, être.

Je souhaiterai maintenant aborder un dernier point: ma vision du squat, s'il s'agit bien d'un squat ici.
Je suis partie de ce principe, ce qui m'a amené à m'énerver quelque peu sur les clichés qu'on nous servait. Un squat est un endroit sale, insalubre, où tous les rebuts de la société se retrouvent pour tenter de survivre, où il y a forcément de la violence, de la drogue, de l'alcool.
Je sais qu'effectivement certains squats voient le jour, faute de mieux dans d'anciennes usines ou en sous-sol, loin de tout confort moderne, le système D est de rigueur si l'on souhaite ne pas renoncer à sa toilette du matin ou simplement se chauffer. Mais ce que je connais surtout des squats, c'est des endroits bien organisés, avec chauffage, électricité et eau, avec de la solidarité. Ici, les habitants n'en font pas spécialement preuve. L'individualisme, comme dans la vie autour, semble être de mise.
Or dans les squats que je connais, des collectifs se montent, des associations viennent y installer des permanences. Ainsi, les habitants ou les visiteurs réguliers peuvent y trouver assistantes sociales, avocats, médecins ou psychologues. C'est essentiellement « Médecin du monde » qui a organisé une aile (ou section) spécialisé dans l'intervention dans ces lieux, pour aider notamment sans-papiers ou Roms. En plus de cette aide, ils y font de la prévention en laissant préservatifs, petites poubelles pour recevoir exclusivement seringues usagers, numéro de téléphone personnel pour appeler à tout moment ou presque.
Ces collectifs plus ou moins politisés à l'instar de « Jeudi noir » ou « Intersquat » regroupent également bon nombre d'étudiants et d'artistes, où notre poète et le fils d'ouvrier mais aussi l'ancien cadre auraient pu y trouver une place. Plus simplement, s'instaure une véritable vie en communauté avec participation aux taches domestiques, aux courses, à rendre le lieu vivant, avec également ces tensions inhérentes à toute vie en communauté.
Les squats que je connais sont aussi ouverts sur le monde, contrairement à celui-ci, l'autre n'est pas qu'une menace. Cela passe par l'organisation d'expositions, de projections ou de soirées (avec personnes s'assurant de la sécurité, fermeture des portes dés que la capacité d'accueil est atteinte), de journées portes ouvertes, de permanences pour accueillir les voisins notamment. Bref, on favorise la communication pour expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons là, pour rassurer aussi, non nous ne sommes pas là pour dégrader un endroit mais pour y vivre.
Les squats que je connais sont aussi le bons moyens de se détacher de certaines obligations et permettre aux habitants de vivre tout simplement de leur passion ou simplement étudier. Je parle évidemment du travail à temps plein ou partiel, du loyer ou des factures. Certains y retrouveront sans doute à redire mais dans une société idéale qui appliquerait réellement la déclaration universelle des droits de l'homme: la question d'un toit au dessus de sa tête, d'avoir de quoi se nourrir ou se vêtir, de se déplacer ne se poserait plus, car assurée par la société même. Alors forcément dans une société idéale moins d'heures travaillées et de capitalisme, moins de consumérisme à tout va aussi. Dans certains squats, c'est ce qu'on y trouve plus ou moins. Il est difficile de s'extraire du système existant, puisqu'on ne connaît que celui là.
Les squats que je connais procurent déjà une bonne alternative ou une bonne force de résistance à un monde qui nous conduit droit dans un mur.
Ces squats là sont une de mes lueurs d'espoir dans cette société.

En quelques pages, j'ai ici tissé des ponts avec notre quotidien, ma façon de voir ce quotidien, le cinéma encore et toujours, mes rencontres, ma propre expérience de vie parfois. Constat un peu amer d'une société injuste qui ne se donne pas les moyens de changer parce que ceux qui détiennent tous les pouvoirs ne le souhaitent pas et que chacun d'entre nous, enfermés dans notre petite routine, notre petite vie, ne regardons pas assez loin et parfois préférons s'aveugler à l'instar de « Jésus », s'abreuver des mêmes recettes surfaites pour nous maintenir dans cette docilité servile.
Ce texte et cette pièce jouent en tout cas parfaitement le rôle que je souhaite pour l'art et la culture, celui de r-éveillez les consciences, de tenter de faire bouger les choses, de crier ce que par habitude nous ne voyons plus. Tant que des artistes engagés existeront, alors je suis rassurer. Bien sûr, vient ensuite le problème de la transmission de ses œuvres et de la possibilité d'accès, pour des raisons économiques mais aussi parce que le grand public se tourne plus facilement vers du divertissement, à moins que le divertissement soit plus facile à trouver, puisqu'il suffit d'appuyer sur la télécommande d'une télévision ou d'une console de jeux. Aux artistes alors d'aller vers nous, d'employer parfois des chemins détournées, de taper fort au risque parfois de s'attirer la foudre des bien-pensants et d'une censure qui ne dit pas son nom. Aux éducateurs, professeurs d'aider certains jeunes aussi à aller vers ces artistes. Dans une société formatée, malgré l'émergence de nouveaux indignés et de groupes tels que les Anonymous ou le parti pirate allemand, la route est encore longue pour de réels changements.



un lien
http://www.laparafe.fr/2012/01/salle-dattente-de-krystian-lupa-a-la-colline/

lundi, février 06, 2012

Manu Chao - Bella Ciao




merci à celui qui a publié cette vidé av en prime les paroles, suffit de dérouler en cliquant sur plus.... et y'a même la version originale!
certains penserons qu'il suffit de copier coller oui peut-être mais lui a pensé à tous ceux qui n'y penseraient pas, n'auraient pas le temps ou ne le prendraient pas ce putain de temps