jeudi, décembre 30, 2010

variations sur le même thème


texte 1:

Entouré par des géants vêtus de bleu, je crois que je commence à avoir peur.
Ils sont venus à plusieurs camions devant chez nous. Ils me regardent comme une chose inhabituelle mais ce sont eux qui ne sont pas communs. Ils sont armés. Leurs habits bleus sont comme des armures de super héros. Mais ils ne me rassurent pas.
Ils m'entourent maintenant et me demandent comment je vais.
Je ne peux pas répondre. Je ne sais pas répondre. Et comment répondre?
Je sais juste que je me retrouve dehors, avec tous les autres.
De loin, j'ai vu mon père, les mains en l'air, mais il n'a rien fait de mal. Il travaille beaucoup, nous dit de ne pas voler, pas même un bonbon. Alors pourquoi l'arrête-t-on?
J'entends dire qu'il n'a pas de papiers, qu'ils sont tous des sans-papiers. C'est donc mal de ne pas avoir de papiers?
Je vois ma mère pleurer, d'autres crient. D'autres parents et des grands frères disent qu'au pays des droits de l'homme, ils devraient avoir honte, qu'ils devraient désobéir.
Un robocop me soulève maintenant de terre. Alors, je crie, j'hurle. Ils nous font monter dans des camions. Je retrouve les bras de ma mère. Je me calme petit à petit grâce à son chant, un de ceux qu'on n'apprend pas à l'école maternelle.
Je ne suis pas pour autant rassurer.
C'est quoi un camps?

texte 2:
Devant moi 5 hommes, de ceux qu'on appelle CRS. Ils m'entourent rapidement.
En même temps, c'est facile, j'ai 5 ans. Ils commencent à me demander mon nom, puis tout un tas de questions.
Mais maman m'a dit de ne pas répondre aux inconnus. Même avec leurs armes, je n'ouvrirai pas la bouche.
Les 5 hommes toujours en cercle, moi au centre.
Je plonge mon regard dans les yeux bleus d'un de ces hommes sans nom.
Je crois que je capte son attention. Il s'attendrit un peu. Sans les autres, il aurait pu me parler plus gentiment, se baisser vers moi, se mettre à ma hauteur.
Ils trouvent maintenant que j'ai des yeux de chien battu.
Je sais maintenant comment s'appellent les yeux qui me font obtenir tout ce que je veux (sauf avec papa).
Ils m'ont comme adopté, à moins que ce ne soit l'inverse...
Ils repartent mais reviendront, c'est promis même.
Un autre homme me pince un peu la joue avec son gant, c'est froid!
Je reste seul sûr d'avoir gagné cette première bataille.

texte 3:

C'est un jour habituel, je rentre à la maison. De loin , je vois d'abord les camions.
Ils sont là, comme chaque jour. Et pourtant, un léger changement, quand je m'approche d'eux. Ils m'entourent et m'empêchent d'avancer, comme la première fois.
En les regardant d'un peu plus près, je remarque que leur visage, même s'ils ne disent pas grand chose, ne sont pas ceux qui m'accueillent habituellement.
Ils me demandent où je vais. Je leur réponds que je vais chez moi. Ils veulent que je leur montre où c'est mon chez moi, je tends le bras et de mon index, je leur montre la fenêtre de ma chambre au 5ème étage.
Et voilà, de nouvelles têtes mais toujours les mêmes pensées.
Je suis encore un enfant, mais tard le soir, j'entends les grands parler au salon.
Des réunions une fois par semaine, pour se retrouver d'abord, prendre des nouvelles des uns des autres.
Depuis peu les étrangers sont encore plus mal vus dans ce pays. Alors, beaucoup veulent se battre, entrer dans une résistance contre ces hommes en uniformes, qui ont du oublier qu'ils étaient des hommes.
Je ne comprends pas tout de ces réunions. Mais je sens la peur de certains à aller les affronter, aller leur parler et leur dire qu'ils se trompent, qu'on les trompe. Ils se font avoir comme nous. Et moi-même, j'ai peur quand je les croise. J'ai mon coeur qui bât plus vite, plus fort. J'ai longtemps baissé la tête. Et puis à écouter les grands, les soirs de réunion, j'ai appris à ne plus baisser la tête, à les regarder droit dans les yeux s'ils me parlent. Bientôt, je serai assez grand et assez fort pour les affronter. Je suis déjà assez malin pour savoir comment leur répondre, détourner leur attention.
Il ne me reste qu'à me tenir prêt.


nb: pour les personnes connaissant l'histoire de cette photo, j'ai juste souhaité utiliser cette photo pour en sortir quelque chose... Et une fois de plus, on peut retenir que l'on peut tout faire dire aux images.