mardi, avril 27, 2010

regard sur l'expo de Munch




Comme beaucoup, je ne connaissais de son oeuvre que "Le cri".
Et je fus tout d'abord désorientée par ses paysages calmes, presque naïfs d'une Norvège où la sérénité semble de mise...
Premier signe,très vite, le visage d'une enfant, étrangement son regard ne révèle aucune insouciance,aucune joie. L'innocence semble déjà être submergée par quelque chose de plus grave:solitude, mélancolie.

Autre toile, douceur d'une journée ensoleillée, une ombre envahit doucement la toile, mettant ainsi en danger la femme représentée, qui, de bleu vêtue, se serait confondue avec le fjord sans sa coiffe rouge.

Et, lorsque je me retourne, je découvre hypnotisée quatre versions d'une même toile:"La Madone". Loin de toute représentation religieuse, elle est plutôt un appel au plaisir, véritable objet de désir. Mystérieuse, son corps se détache d'un fond noir, ce qui nous la rend plus dangereuse. C'est alors que se met en place sous mes yeux, les difficultés relationnelles du peintre avec les femmes.
D'abord madone interdite, promettant plus l'Enfer que le paradis, elles deviennent harpie ou sirène, menace pour la vie même de l'homme.

Un peu plus loin, au travers d'une lithographie intitulée "Alpha et Oméga", Munch revisite le jardin d'Eden. Ce n'est plus le paradis idyllique. Dés la rencontre des deux personnages, ils s'enfoncent dans une forêt sombre, inquiétante. Oméga ou Ève, n'est plus simplement condamnée à croquer dans la pomme. Véritable reine de la forêt, elle donne descendance à des êtres mi-hommes, mi-animaux, se rendant ainsi coupables de multiples adultères. Trahison, jalousie, folie conduisent d'abord au départ d'Oméga puis à sa mort. Alpha la tue, à moins que ce ne soit son propre reflet. En effet, la litho, sobrement intitulée "Mort d'Oméga" rappelle également un autre mythe, celui de Narcisse. Ainsi, plus amoureux encore de son reflet, il la tue. Oméga, double féminin d'Alpha, disparaît. On aurait pu croire les maux de ce dernier terminés, bien au contraire. Après le désespoir et la folie, c'est une mort bien atroce qui l'attend.
Défiance envers les femmes. Pas dignes de confiance. Immanquablement, elles finissent par tromper. Pouvoir absolu de celles-ci qui place les hommes sous leur joug (autre titre d'une lithographie), les femmes jouent avec le coeur des hommes.
Elles les vampirisent pour mieux les faire souffrir. C'est sur cette dernière forme que je voudrais revenir. Ces femmes-vampires au corps parfait, aux longs cheveux qu'elles utilisent comme les mailles d'un filet, ne sont pas sans rappeler les Sylphides(autres femmes vénéneuses, personnages du manga "Albator"). Avec la Madone, se sont sans doute elles qui fascinent le plus. Charge érotique et névrotique, leur corps est une arme de destruction massive, qu'elles manient avec une facilité déconcertante. L'homme ne peut s'empêcher de tomber amoureux, se fait avoir et se meurt à petit feu sous les dents de la belle.

Sombre à souhait, ce même destin funeste se répète dans des oeuvres qui, au premier abord, ne donnent pas cette piste de lecture. Je pense à la nuit d'été dans un jardin ou plusieurs couples sont enlacés. Ce sont les couleurs qui nous indiquent la trame. En effet, les femmes portent des robes colorées, contrairement aux hommes en costume sombre. A moins que ne soit figuré qu'un seul homme, le peintre lui-même, va de femme en femme mais répète sans cesse la même histoire insatisfaisante, douloureuse et qui le laisse seul et désespéré.

Pourtant, certaines semblent être épargnées par ce jugement. Il y a d'abord les mères, Munch perdit la sienne alors qu'il n'était qu'un enfant. Il y a les femmes qui pleurent, blessées par les mêmes maux du peintre. Plus énigmatiques, ces femmes pensives qui regardent au loin, ou nous regardent comme pour nous interpeller. Même insérées dans un groupe, leur différence et leur solitude crèvent la toile.

La solitude, autre obsession du peintre, difficile à supporter, bien que le salut ne semble pas venir de cet autre qui nous ressemble tant.
La maladie et la mort viendront également hanter l'esprit de ce créateur de génie, au point qu'il fit plusieurs versions de l'enfant malade et qu'il peignit son autoportrait, alors qu'il avait la grippe espagnole. Ces spectres qui le tourmentent, furent, à n'en pas douter, ses compagnons de route toute sa vie durant.
Sans doute, il y avait là une certaine forme de fascination. Sans doute, il y avait là deuils impossibles.

Je parlerai enfin de deux apparitions, rappelant la tête du personnage du "Cri". L'une est sur deux versions de "La Madone", l'autre sur un de ses autoportraits et se tient au fond de la salle d'un café.
Plus qu'un "anti-cri", cette expo s'inscrit pour moi dans la continuité, dans l'annonciation et la confirmation d'un mal profond.
J'y ai vu l'écorché malmené par la vie, l'être torturé qui n'hésitait pas à torturer ses toiles: en grattant la peinture, en les abandonnant volontairement sous la pluie, le vent ou la neige.
Une expo qui nous rapproche peut-être de cet homme et l'envie de le prendre dans ses bras pour que s'envolent ses soucis, ses peurs, ses blessures... Enfin moi, j'aurais aimé pouvoir le faire, la petite fée en moi qui parle sans doute...

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