dimanche, septembre 11, 2011

cinéma/politique cinéma et politique

Je me permets de reprendre ici quelques citations retenues dans deux livres:

"cinéma/politique série 1" trois tables rondes: 1968, 1970, 2004 coordonnée par Nicole Brenez et Edouard Arnoldy, ed Labor, coll images 2005 Bruxelles
et
"Cinéma et politique : 1956. 1970 Les années pop" Jean Louis Comolli, Gérard Leblanc, Jean Narboni Bibliothèque centre Pompidou 2001

Je crois que toutes peuvent s'appliquer à la vie quotidienne, certaines sont comme des prophéties du monde dans lequel nous vivons. Alors bonne lecture, n'hésitez pas à vous les approprier dans la vie de tous les jours, d'y repenser, de les partager.

Nicole Brenez: "Deux mille quatre, pour autant qu'on puisse le ressaisir dés aujourd'hui, correspond à l'installation fallacieuse d'un conflit entre civilisations (orientale et occidentale, dans des versions caricaturales jusqu'à l'absurde) encouragée notamment par la création d'un nouveau marché (l'intégrisme religieux) par des marchands d'armes privés de leurs débouchés habituels en raison de la disparition du communisme de type soviétique."
Nicole Brenez: "Leur contexte, c'est l'ère de la désinformation totale, du mensonge d'État généralisé et cynique, de la confiscation des instruments démocratiques, du doute radical minant le principe même de la délégation de pouvoir que suppose le fonctionnement du suffrage universel" (Elle fait référence ici aux participants de la dernière table ronde en 2004)

Glauber Rocha: "Dans toute l'Amérique latine.... En Afrique, le cinéma reste sous-développé car le continent se trouve sous l'emprise de l'industrie française et de son réseau de distribution. Dans le reste de l'Afrique, les cinémas anglais et américain dominent. C'est je pense, le principe même d'industrie qui est dangereux. Le cinéma est la seule activité artistique qui dépende d'un système de production et de consommation. Parce qu'il coûte de l'argent-vous n'avez pas besoin d'un producteur pour écrire un poème ou un roman, même si on a besoin d'un éditeur pour l'imprimer, alors qu'un scénario, puisque impubliable, n'a aucune valeur marchande s'il n'est pas tourné. La difficulté aujourd'hui pour un cinéma consiste à surmonter cette contradiction. Je ne pense pas que ce problème appartienne au seul monde capitaliste, car c'est la même chose dans le monde socialiste."
Pierre Clémenti: "Pour les gens, le cinéma, c'est ce qu'ils ne voient pas à la télévision. Si la télévision leur donnait ce que leur offrait jusqu'alors le cinéma, tôt ou tard, ils ne sortiraient plus de leurs maisons. Ils iraient directement à l'usine. La télévision serait le nouveau Dieu-machine qui assouvit et réalise tous les désirs. Le cinéma disparaîtra. C'est une possibilité; je suis sûr que si la télévision était dirigée par des gens très intelligents, elle pourrait devenir très puissante, colossale. Quand la télévision découvrira l'étendue de tous ses pouvoirs, elle enfermera tout le monde dans un ghetto-les travailleurs. Des nations entières seront aliénés; les gens ne sortiront plus du tout, sauf pour se rendre à l'usine; ils seront complètement aliénés par une machine qui se substituera à la religion, aux histoires, aux belles histoires... Le seul art capable de combattre ce processus aujourd'hui est le cinéma. Du moins, le cinéma en tant qu'extension logique de ce qu'il est aujourd'hui."
Glauber Rocha: "Le problème est le suivant: même au Brésil, peu importe l'éditeur qui va prendre un risque en publiant un jeune auteur capable d 'écrire un roman meilleur et plus moderne qu'Ulysse. Même Joyce, dans cette société, est devenu un produit avec une valeur marchande. Le problème réside dans la structure de la société capitaliste, et à mon regret, dans la société socialiste aussi. C'est la politique générale de consommation. Il s'agit de crétiniser le consommateur à plusieurs niveaux. Quand le public a atteint le niveau où il se met à consommer des productions intellectuelles, à ce niveau-là, il a besoin de recevoir un stimulus critique, plus dialectique, plus révolutionnaire, pour ouvrir les portes à la connaissance de l'expérience humaine. Mais juste à ce point, le système se met à fonctionner à plein et s'impose toujours, parce que cela devient une question de structure."
Glauber Rocha: " Mais la question n'est pas d'aller dans les usines, parce que si vous réalisez vos films pour ce public là, vous devez comprendre qu'il s'agit des mêmes gens qui vont au cinéma. Des gens conditionnés. Une révolution culturelle de bien plus grande ampleur doit être provoquée par une révolution politique. Dans le cadre de la société technologique actuelle, le plus grand obstacle auquel nous devons faire face aujourd'hui est la société de consommation. Le même problème se pose en Russie et à New York. Cette discussion, par exemple, est parfaitement inutile car nous sommes tout au plus une poignée d'individus à l'attaque d'un système qui n'en a rien à foutre."
(Nous sommes ici en 1070, la table ronde avait lieu en présence de Glauber Rocha, Jean-Marie Straub, Simon Hartog, Miklos Jancso, Pierre Clémenti)

Rashid Masharawi: "La vidéo a donné aux Palestiniens la possibilité de faire notre propre image, de raconter nous-mêmes notre histoire. Pour atteindre notre objectif politique, il faut pouvoir changer notre rapport au monde extérieur. Le problème n'est pas seulement entre nous et Israël. Notre problème est l'opinion mondiale, et pour la changer nous avons besoin de la vidéo. Jusqu'à présent, qu'est-ce que les politiciens ont fait pour la Palestine? Les politiciens, la révolution, n'ont rien résolu. La vidéo a donné une image à notre nation, elle lui a donné une couleur, un accent, une attitude, une culture."
Raymonde Carasco: "Je filme le peuple Tarahumara et ses rites depuis vingt ans, et dans la patience du travail, certains Tarahumaras m'ont donné leur amitié. Or un don exige un contre-don, c'est à dire un don plus grand. Pour un cinéaste, celui qui fait contre-don est le public, les gens. Il y a toujours des gens, partout, « il y a toujours des gens », c'est presque un titre de chanson. On rencontre l'autre dans le désir de l'autre et on s'aperçoit à la fin qu'il est le même, « lui » et « moi » ça n'existe pas, il n'y a pas de singularités, seulement des flux d'intensités, (s'adressant à Philippe Grandrieux), intensités, plus qu'énergie, parce que l'énergie est seulement physique. Quand vous filmez, celui que vous filmez vous donne d'abord l'immensité de la différence, et vous, vous avez vous à lui apporter quelque chose, c'est une nécessité, c'est un échange, et pour moi c'est ça la politique. C'est la cité, c'est d'appartenir à une communauté, une communauté qui n'est pas un petit clan. La générosité de la création, de la vie, nous dépassent, qui appartiennent à la communauté elle-même."
Mounir Fatmi: "Oui, pour moi être expérimental c'est être libre. Mes films passent peut-être une fois par an dans un festival vidéo, et là je reviens à la solitude. Je me trouve dans une solitude extrême, parce qu'à l'origine je voulais faire de la vidéo pour que mon travail soit accessible et je m'aperçois à l'usage qu'il n'est vu que par une minorité, il reste en fait élitiste. Mes films passent dans des musées, des biennales, des centres d'Art... On n'a rien réglé, le travail devient juste de dire « je continue », j'ai envie de faire un film chaque jour. On nous demande de créer des structures de distribution et de diffusion alternatives, mais moi je ne peux pas en même temps créer des films et des structures, je ne suis pas doué pour ça."
(Il s'agit ici de la dernière table ronde, à laquelle participèrent: Lou Castel, Lionel Soukaz, Philippe Grandrieux, Marcel Hanoun, Wael Noureddine, Mounir Fatmi, Raymonde Carasco, FJ Ossang, Rashid Masharawi.)


Gérard Leblanc: "C'est en se préoccupant de la vie réelle du spectateur que le cinéma fait retour sur sa propre réalité et questionne, de façon renouvelée, sa fonction sociale comme sa fonction esthétique."
Gérard Leblanc: "Tant que les révolutionnaires n'auront pas répondu à la question de savoir pourquoi, sachant qu'ils pourraient se comporter autrement, tant d'hommes et de femmes agissent contre leurs intérêts-individuels et de classes-, la révolution n'aura pas lieu ou sera de bien courte durée."
Gérard Leblanc: "Si l'on pouvait à l'époque affirmer (sans sourire) que « tout film est politique », c'était avant tout parce qu'il nous semblait indiscutable que tout film inscrit un « point de vue », un « d'où » ça filme, parle, écoute, voit; qu'une « absence » de point de vue est encore un point de vue; que toute position de caméra, toute disposition de corps, toute opération de montage, y compris les plus nulles, n'est rien que geste d'écriture; qu'un « degré zéro du cinéma » implique une décision d'inscription, une prise d'écriture, une élaboration signifiante, voire un parti esthétique, dés lors que les paramètres techniques de la machine au même titre que les déterminants idéologiques des hommes qui tournent autour de cette machine ne peuvent pas ne pas signifier, ne pas renvoyer à un tableau plus complexe, celui des enjeux de sens et des rapports de force en œuvre dans les sociétés-dans le monde, ce monde qui les films militants, justement, ne veulent pas congédier. Et je me demande aujourd'hui si la leçon du slogan « tout film est politique » n'était pas (insidieusement) que, filmée, la politique ne pouvait que se plier au jeu du cinéma."
citation de Jean Rouch: " (…) Un commentaire doit être fait « à l'image ». Bien des gens ne comprennent pas cela. Je pense que ceux qui font des films veulent avoir un ton objectif. Ce sont des savants qui parlent. Le savant n'a pas de cœur. J'ai découvert que seuls les commentaires non écrits qui étaient faits à l'image étaient dans le rythme de l'action, dans le rythme de l'image. Si l'on écrit le commentaire, c'est foutu. "
citation d'Arthur Lamothe: "Un peuple qui ne voit sur les écrans des salles de cinéma que les rêves des autres sera un peuple aliéné, de même qu'un peuple qui n'y verrait que ses propres rêves."
citation de Robert Bresson:  "Ce qui m'a poussé à faire cette œuvre, c'est le gâchis qu'on a fait de tout. C'est cette civilisation de masse où bientôt l'individu n'existera plus. Cette agitation folle. Cette immense entreprise de démolition où nous périrons par où nous avons cru vivre. C'est aussi la stupéfiante indifférence des gens sauf de certains jeunes plus lucides."

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